Francis VARENNES – Juriste-Fiscaliste

Francis VARENNES – Juriste-Fiscaliste

Droit de l’entreprise agricole – Droit du tourisme chez l’habitant

FORMATIONS  – PUBLICATIONS   – DIFFUSION

Choix d’un statut juridique, fiscal et social pour la création

d’une activité commerciale, artisanale ou libérale

EI, AE, EIRL, EURL ou SASU ?

Section 3. Traitement des plus-values professionnelles

Toute entreprise est susceptible de réaliser, en régime de croisière ou en fin d’activité, un résultat exceptionnel correspondant à la constatation de plus-values. D’une façon générale, les plus-values correspondent au profit qui provient notamment de la cession d’éléments d’actif immobilisé tels que le matériel, les immeubles, le fonds de commerce, le fonds artisanal, la clientèle. Ces plus-values peuvent également provenir de la cession des parts sociales ou des actions si l’entreprise est organisée sous la forme d’une société.

Dans certains cas, ces plus-values peuvent être conséquentes. Si le principe est que ce résultat exceptionnel est taxé comme le résultat courant, voire à un taux d’imposition réduit, plusieurs dispositifs fiscaux prévoient leur exonération fiscale. Ces solutions dépendent très étroitement du régime fiscal de l’entreprise selon que celle-ci est soumise à l’IR ou à l’IS.

Une approche globale de ce sujet ardu conduit à distinguer selon que l’on est en présence :

– soit de plus-values réalisées par l’entreprise elle-même, qu’elle soit individuelle ou sociétaire et en tenant compte du régime fiscal applicable (§ 1) ;

– soit de plus-values issues de la cession des parts sociales ou des actions correspondant à l’entreprise organisée sous la forme d’une société (§ 2).

§ 1. Traitement fiscal des plus-values réalisées par l’entreprise

Les régimes fiscaux applicables aux plus-values réalisées par l’entreprise peuvent être différents selon que celles-ci sont réalisées en régime de croisière de l’entreprise (A) ou à la fin de la vie de l’entreprise (B).

A. Les plus-values réalisées en régime de croisière

Pour appréhender le régime fiscal des plus-values réalisées en régime de croisière, une distinction fondamentale doit être opérée selon que l’entreprise relève du régime de l’IR (1) ou du régime de l’IS (2).

1. Le régime des plus-values des entreprises soumises à l’IR

En principe, les plus-values réalisées par une entreprise soumise à l’IR font partie du résultat imposable.

Plus précisément, il convient de distinguer :

– d’une part, les plus-values à court terme soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu et au paiement de cotisations sociales ;

– d’autre part, les plus-values à long terme qui sont soumises à une imposition proportionnelle de 12,8 % et au paiement des contributions sociales sur les revenus du patrimoine au taux global de 17,2 % (art. 39 duodecies du CGI).

Tableau de synthèse des plus-values

(CT = court terme ; LT : long terme)

 

 

Nature du bien

cédé

Bien détenu depuis

Bien détenu depuis

moins

de 2 ans

2 ans

et plus

moins

de 2 ans

2 ans

et plus

Amortissable

CT


CT
(pour la part de PV

n’excédant pas le montant des amortissements)

LT
(pour la part de PV supérieure au montant des amortissements)

CT

CT


Non

amortissable


CT


LT


CT


LT

Ce principe de taxation des plus-values réalisées par les entreprises qui relèvent du régime de l’impôt sur le revenu est toutefois tempéré par 2 dispositifs d’exonération totale ou partielle avec :

– en premier lieu, le régime d’exonération des plus-values des petites entreprises (a) ;

– en second lieu, le régime d’exonération des plus-values à long terme issus de la cession de biens immobiliers (b).

a. Le régime d’exonération des petites entreprises

Par exception, les plus-values professionnelles réalisées par les entreprises relevant de l’IR (EI-AE-EIRL réalisant des BIC-BNC ou les associés de sociétés à l’IR avec des BIC-BNC) peuvent faire l’objet d’une exonération totale ou partielle (art. 151 septies du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-10-10).

Ce régime d’exonération suppose le respect d’une double condition qui repose sur la durée d’activité et le montant des recettes :

– en premier lieu, il faut que l’activité ait été exercée par l’entreprise depuis au moins cinq ans pour envisager cette exonération des plus-values ;

– en second lieu, les plus-values sont exonérées pour la totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles de l’entreprise sont inférieures ou égales à :

* 250 000 € s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l’exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s’il s’agit d’entreprises exerçant une activité agricole ;

* 90 000 € s’il s’agit d’autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux.

Une partie des plus-values est exonérée lorsque les recettes sont supérieures à  250 000 € et inférieures à 350 000 € pour les entreprises visées le seuil de 250 000 € mentionné ci-dessus et, lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 € et inférieures à 126 000 €, pour les entreprises visées par le seuil de 90 000 € précité.

Pour l’application de ces dernières dispositions, le montant exonéré de la plus-value est déterminé en lui appliquant :

– pour les entreprises visées le seuil de 250 000 €, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 350 000 € et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 € ;

– pour les entreprises visées le seuil de 126 000 €, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 126 000 € et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 36 000 €.

Il est à noter que les plus-values à court terme exonérées sur le plan fiscal ne bénéficient pas de l’exonération sur le plan social lorsqu’elles sont attribuées à une personne affiliée en tant que non-salarié auprès de la SSI (ex-RSI). (V. 3ème partie).

b. L’exonération des plus-values immobilières à long terme

A défaut de remplir les conditions d’exonération mentionnées ci-dessus, les plus-values à long terme réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont imposées après application d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention échue au titre de l’exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la cinquième année.

Ce dispositif vise les plus-values à long terme qui portent sur des biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, qui sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation.

Il en est de même des plus-values issues des droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation ou de droits ou de parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts.

(art. 151 septies B du CGI ; BOI-BIC-PVMV-20-40-30)

2. Le régime des plus-values des entreprises soumises à l’IS

L’ensemble des plus et moins-values à court terme ou à long terme réalisées par les entreprises soumises au régime de l’IS constitue un élément du résultat courant. De ce fait, ces plus-values sont imposables à l’IS aux taux de 15 % ou 28 % dans les conditions de droit commun. Ainsi, le régime des plus-values à court terme s’applique à l’ensemble des plus-values réalisées lors de la cession des immobilisations corporelles et incorporelles, y compris les plus-values à long terme (art. 219 I-a-quater du CGI).

Les entreprises soumises à l’IS ne peuvent aucunement prétendre aux régimes d’exonération présentés ci-dessus réservés aux seules entreprises qui relèvent de l’IR.

B. Les plus-values réalisées en fin d’activité

Les plus-values constatées en fin d’activité par une entreprise qui relèvent du régime de l’IR peuvent prétendre aux régimes d’exonération fiscale présentés ci-dessus.

Toutefois, à défaut de pouvoir bénéficier des régimes d’exonération des plus-values précités, d’autres dispositifs d’exonération sont applicables lors de la cession de l’entreprise.

En premier lieu, les chefs d’entreprise qui font partie d’une entreprise qui relève du régime de l’IR peuvent prétendre à une exonération fiscale des plus-values issues de la cession de l’entreprise en raison de leur départ en retraite (art. 151 septies A du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-20-20). Dans ce cas, les plus-values exonérées sur le plan fiscal sont soumises aux prélèvements sociaux.

En second lieu, les entreprises qui relèvent qui relèvent de l’IR ou de l’IS sont totalement ou partiellement exonérés des plus-values réalisées lors de la cession de l’entreprise dans la mesure où la valeur de cette entreprise à une valeur inférieure à 500 000 €.

(art. 238 quindecies du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50).

Plus précisément, l’exonération est totale lorsque la valeur des éléments transmis est inférieure à 300 000 € et partielle lorsque cette valeur est comprise entre 300 000 € et 500 000 €. Dans ce cas, les plus-values sont exonérées des prélèvements sociaux. Cette exonération ne s’applique pas, en règle générale, aux plus-values portant sur des actifs immobiliers ou des droits ou parts d’une société à prépondérance immobilière.

§ 2. Traitement fiscal des plus-values sur parts sociales réalisées par le chef d’entreprise sociétaire

Le chef d’entreprise organisée sous la forme d’une société peut être conduit à céder tout ou partie de ses droits sociaux, qu’il s’agisse de parts sociales ou d’actions. Lors de cette cession, une plus-value peut être constatée sur les droits cédés dès lors que ceux-ci sont valorisés à une valeur supérieure à la valeur nominale ou la valeur d’acquisition.

Dans ces conditions, il convient de déterminer le traitement fiscal de ces plus-values.

Dans ce cadre, une distinction doit s’opérer selon que l’entreprise sociétaire relève du régime de l’IR (A) ou du régime de l’IS (B).

A. Traitement fiscal des plus-values sur parts de sociétés soumises à l’IR

Les plus-values réalisées lors de la cession de part sociales d’associés actifs au sein de sociétés soumises à l’IR sont traitées comme s’il s’agissait de plus-values issues de la cession d’un élément d’actif de l’entreprise.

Cette solution résulte de l’article 151 nonies du CGI qui précise que « Lorsqu’un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société dont les bénéfices sont, soumis en son nom à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de la profession » (art. 151 nonies du CGI).

Si le principe est la taxation de ces plus-values constatées à l’occasion de la cession à titre onéreux ou à titre gratuit, en distinguant selon qu’il s’agit de plus-values à court terme ou de plus-values à long terme, il convient d’appliquer les régimes d’exonération mentionnés ci-dessus applicables aux plus-values par les entreprises soumises au régime de l’IR.

A ce titre, les plus-values constatées sur les parts sociales cédées sont éligibles aux mécanismes suivants :

 – le 1er dispositif applicable est le régime d’exonération des plus-values des petites entreprises mis en œuvre en raison de l’importance des recettes réalisées. Sur ce point, il convient de tenir compte de la quote-part de recettes réputée revenir à l’associé concerné en fonction de la clé de répartition du résultat. En présence d’une société unipersonnelle, il faut retenir l’intégralité des recettes de la société (art. 151 septies du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-10-10).

Par exemple, ce mécanisme d’exonération peut concerner un associé d’EURL à l’IR qui cède tout ou partie de ses parts sociales de la société unipersonnelle dans la mesure où l’activité est exercée depuis au moins 5 ans. L’associé peut être totalement exonéré des plus-values sur parts sociales si la société réalise un chiffre d’affaires annuel inférieur à 250 000 € en cas d’activité d’achat-revente ou 90 000 € pour les prestations de service ;

– le 2ème dispositif est le régime d’abattement applicable aux plus-values à long terme lorsque l’on est en présence de parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation (art. 151 septies B du CGI ; BOI-BIC-PVMV-20-40-30) ;

– le 3ème dispositif est le régime d’exonération des plus-values en raison du départ à la retraite du chef d’entreprise (art. 151 septies A du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-20-20) ;

le 4ème dispositif est le régime d’exonération des plus-values en raison de la valeur de l’entreprise. Dans ce cas, les seuils permettant l’exonération totale ou partielle des plus-values s’apprécie au regard de la valeur des parts sociales (art. 238 quindecies du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50).

B. Traitement fiscal des plus-values sur parts de sociétés soumises à l’IS

A ce titre, il est à noter que seules les cessions à titre onéreux sont taxables à l’exclusion des cessions à titre gratuit (art. 150-0 A du CGI ; BOI-RPPM-PVBMI)

1. Principe de la flat-tax

Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession à titre onéreux de droits sociaux de sociétés à l’IS sont en principe taxées au prélèvement forfaitaire unique (PFU) (appelé aussi flat-tax) au taux de 30 % (soit 12,8 % d’IR et 17,2 % de CSG-CRDS).

Il est à noter que seules les cessions à titre onéreux sont taxables. A contrario, il n’y a pas de taxation des plus-values réalisées en cas de cession à titre gratuit.

2. L’option pour l’ancien dispositif

Pour les titres détenus avant 2018, il est possible d’exercer une option pour faire application de l’ancien dispositif avec l’application du barème progressif de l’IR, en lieu et place de la flat-tax.

Dans ce cas, avant d’être soumises au barème progressif de l’IR, les plus-values constatées sur les cessions de parts sociales de sociétés soumises à l’IS peuvent faire l’objet d’un abattement qui est égal à :

– 50 % du montant des gains nets lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ;

– 65 % du montant des gains nets lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

(art. 150-0 D suivants du CGI)

Il est à noter que les contributions sociales au taux de 17,2 % sont calculées sans tenir compte de l’abattement mis en œuvre pour le calcul de l’IR.

3. Le départ à la retraite du dirigeant

Les plus-values réalisées par un dirigeant de PME partant à la retraite et procédant à la cession de l’ensemble de ses parts sociales bénéficient d’un abattement fixe spécifique de  500 000  € (art. 150-0 D ter du CGI).

En revanche, les contributions sociales au taux de 17,2 % sont calculées sans tenir compte de l’abattement mis en œuvre pour le calcul de l’IR.

Tableau de synthèse des régimes fiscaux des plus-values

I. PV réalisées sur la cession d’immobilisations par l’entreprise

A. PV réalisée par l’entreprise en régime de croisière

1. Entreprises relevant de l’IR

– principe de taxation

– régime d’exonération des petites entreprises

– régime d’abattement des PVLT immobilières

2. Entreprises relevant de l’IS

– taxation des PV comme le résultat courant de l’entreprise

B. PV réalisée par l’entreprise en fin d’activité

1. Entreprises relevant de l’IR

– principe de taxation

– régime d’exonération des petites entreprises

– régime d’abattement des PVLT immobilières

– exonération des PV en cas de cessions totales < 500 k€

2. Entreprises relevant de l’IS

– principe de taxation

– exonération des PV en cas de cessions totales < 500 k€

II. PV réalisées sur la cession de parts sociales par le chef d’entreprise

 A. Droits sociaux de sociétés relevant de l’IR

– principe de taxation

– mécanismes de reports en cas de transmission à titre gratuit des parts, passage à l’IS de la société et cessation d’activité de l’associé

– exonération des PV des parts des petites sociétés

– abattement des PVLT des parts représentatives de biens immobiliers

– exonération des PV en cas de cessions totales < 500 k€

B. Droits sociaux de sociétés relevant de l’IS

– principe de taxation à la flat-tax au taux de 30 % (soit 12,8 % d’IR et 17,2 % de CSG)

– option possible pour le barème progressif de l’IR + 17,2 % de CSG-CRDS

– abattements de droit commun selon durée de détention des parts

– abattements dérogatoires majorés :

* départ en retraite avec abattement supplémentaire de 500 k€