Francis VARENNES – Juriste-Fiscaliste

Francis VARENNES – Juriste-Fiscaliste

Droit de l’entreprise agricole – Droit du tourisme chez l’habitant

FORMATIONS  – PUBLICATIONS   – DIFFUSION

Choix d’un statut juridique, fiscal et social pour la création d’une activité indépendante

(activités commerciales, artisanales et libérales)
EI, AE, EIRL, EURL ou SASU ?

Section 3. Préciser les possibilités et les conséquences du changement fiscal

Sur le plan fiscal, en matière de régime d’imposition des bénéfices, il faut apprécier les possibilités de changement fiscal avec ou sans modification du statut juridique.

Il est à noter le principe de l’irrévocabilité de l’option pour l’IS (sauf pour l’EIRL du fait de la renonciation possible au statut pour redevenir EI à l’IR).

§ 1. Les différents cas de changements de régime d’imposition par option avec le même statut juridique

Dans certains cas, l’entreprise peut changer de régime fiscal sans nécessairement modifier son statut juridique.

Il en est ainsi dans les situations suivantes :

– l’EIRL à l’IR existante peut exercer une option pour l’IS, avec la possibilité de sortie de ce régime fiscal par renonciation ultérieure au statut d’EIRL ;

– l’EURL en principe à l’IR (si l’associé unique est une personne physique) peut à tout moment opter pour l’IS. Il est à noter que l’option pour l’IS est en principe irrévocable sauf à devenir une SARL de famille optant pour l’IR ;

– la SAS-SASU créée depuis moins de 5 ans relevant en principe de l’IS peut opter pour l’IR pour une durée limitée à 5 exercices.

§ 2. Les conséquences fiscales du changement de statut juridique et/ou de régime d’imposition des bénéfices

Certaines modifications juridiques et fiscales correspondent à des cas de cessation fiscale d’activité, alors même que l’activité économique n’est aucunement interrompue.

Il en est ainsi dans les cas suivants :

– le changement de statut juridique telle la mise en société, voire l’adoption du statut de l’EIRL optant pour l’IS ;

– le changement de régime fiscal (passage IR/IS et passage IS/IR), même en cas de maintien du même statut juridique.

Dans ces situations, il en ressort l’obligation de déterminer le résultat fiscal de cessation d’activité qui peut être plus ou moins important. Afin d’atténuer le ressaut d’imposition qui peut apparaître, des mécanismes optionnels permettent de réduire le « coût » fiscal résultant de ce changement de régime d’imposition des bénéfices.

 Il faut noter que le changement de changement fiscal peut générer un ressaut plus ou moins élevé des prélèvements fiscaux et sociaux.

Plus précisément, cet événement peut avoir peut avoir 2 types de conséquences :

– l’imposition du résultat de cessation fiscale d’activité proprement dit de l’entité qui passe soit de l’IR à l’IS ou de l’IS à l’IR (A) ;

– l’imposition au titre de l’IR de sommes réputées distribuées au niveau du chef d’entreprise pour les entités qui sortent de l’IS (B).

 A. Le principe du résultat de cessation fiscale d’activité

 A ce titre, il convient d’examiner successivement :

– les cas de cessation fiscale d’activité (1) ;

– le contenu du résultat de cessation fiscale d’activité (2) ;

– les possibilités optionnelles d’atténuation de l’imposition de la cessation fiscale d’activité (3) ;

– le cas particulier de l’EIRL (4).

1. Les cas de cessation fiscale d’activité

Les entrepreneurs individuels qui apportent leur entreprise à une société, que celle-ci relève de l’IR ou de l’IS, doivent aviser l’administration de la cessation de leur entreprise et fournir certains renseignements dans un délai de quarante-cinq jours. Ensuite, ils doivent procéder à une déclaration de leurs bénéfices et plus-values qui sont imposables dans un délai de 60 jours après la cessation d’activité (art. 201 du CGI ; BOI-BIC-CESS-40).

De la même façon, le passage de l’IR à l’IS, même sans changement de la forme juridique de l’entreprise, correspond à une cessation fiscale d’activité et donne lieu à une taxation du résultat constaté dans le même délai de 60 jours (art. 202 ter-I alinéa 1 du CGI).

De façon identique, le passage de l’IS à l’IR, également avec ou sans changement de forme juridique de l’entreprise, emporte les conséquences d’une cessation fiscale d’activité avec l’établissement du bénéfice non taxé, en sursis et calcul des plus-values (art. 221 bis du CGI).

Dans ces différentes hypothèses, les personnes concernées doivent informer l’administration fiscale de cet événement pour déclarer et voir imposer leur résultat de cessation fiscale d’activité.

2. Le contenu du résultat de cessation fiscale d’activité

La taxation immédiate de l’ensemble du résultat de cessation fiscale d’activité comprend des éléments suivants :

– les bénéfices en cours de réalisation,

– les bénéfices en sursis d’imposition (subventions en cous d’étalement, plus-values en différé ou en cours d’étalement),

– les profits latents sur stocks et les plus-values latentes.

3. Les possibilités d’options fiscales pour l’atténuation du principe de la cessation fiscale d’activité

 Afin de limiter le ressaut d’imposition qui résulte de la cessation fiscale d’activité, trois dispositifs optionnels peuvent être mis en œuvre :

– lors de l’apport de l’entreprise individuelle à une société, un mécanisme optionnel d’atténuation de la cessation fiscale est applicable (art. 151 octies du CGI) (a) ;

– lorsqu’une société procède du passage de l’IR à l’IS, le CGI offre aux sociétés concernées une possibilité d’option pour une atténuation conditionnelle et de non taxation de certains bénéfices latents (art. 202 ter-I- alinéa 2 du CGI) (b) ;

– lors du passage de l’IS à l’IR, le CGI offre également aux sociétés concernées une possibilité d’option pour atténuation possible : bénéfices en report et plus-values latentes non taxés (art. 221 bis du CGI) (c).

a. Principes et conditions d’application du mécanisme optionnel d’atténuation de la cessation fiscale en cas d’apport d’une EI à une société

(art. 151 octies du CGI ; BOI-BIC-PVMV-40-20-30)

L’apport en sociétés d’EI taxables sur les plus-values peut être placé sous un régime optionnel de report et d’étalement des plus-values, de non-taxation des profits sur stocks et de non-rapport des provisions. Ce dispositif permet d’éviter l’imposition immédiate de ces profits consécutifs à la cessation fiscale de l’activité individuelle.

Ce dispositif est également applicable par les EI qui adoptent le statut d’EIRL à l’IS.

Plus précisément, les modalités d’application de ce mécanisme sont les suivantes.

Dans ce cadre, les plus-values à court terme et à long terme issus de l’apport de biens amortissables apportés font l’objet d’un étalement au sein du résultat courant de la société (ou de l’EIRL à l’IS). Cet étalement s’opère sur une période de 15 ans s’agissant des plus-values issues de constructions et de plantations et une durée de 5 ans pour les plus-values issues des autres immobilisations amortissables) (selon l’art. 210 A du CGI).

L’imposition est déterminée selon le barème progressif de l’IR pour l’ensemble des plus-values ou selon les taux de l’IS si la société bénéficiaire de l’apport est à l’IS. Toutefois, l’apporteur peut exercer une option pour une imposition à son niveau au taux réduit de 12,8 % des plus-values à long terme totales afin d’éviter une imposition à un taux plus élevé au niveau de la société (art. 151 octies I-b 2ème alinéa).

Les plus-values issues des biens non amortissables apportés, telles les plus-values issues de l’apport d’un fonds de commerce, font l’objet d’un report d’imposition au niveau de l’apporteur jusqu’à la cession des biens concernés ou la cession des parts sociales reçus lors de l’apport.

L’imposition des profits sur stocks issus de l’apport de l’EI est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l’apport, et non de l’apporteur, dès lors s’ils sont apportés à leur valeur comptable et non leur valeur vénale.

Les provisions calculées dans le cadre de l’EI ne font pas l’objet d’un rapport au résultat de l’EI apportée si leur maintien est justifié au sein de la société créée.

b. Principes et conditions d’application du mécanisme optionnel d’atténuation de la cessation fiscale en cas de passage d’une société de l’IR à l’IS

(art. 202 ter-I- alinéa 2 du CGI).

En cas de changement de régime fiscal avec le passage IR/IS, sans modification de statut juridique, le principe est celui de la cessation fiscale d’activité.

Toutefois, en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, il est possible de ne pas appliquer le principe de cessation fiscale pour les bénéfices suivants :

– les bénéfices en sursis d’imposition,

– les plus-values latentes incluses dans l’actif social,

– les profits latents sur stocks.

 L’application de ce dispositif d’atténuation fiscale suppose de respecter les conditions suivantes :

– l’absence de modification des écritures comptables des biens qui ne génèrent pas d’imposition tels les éléments actif immobilisé et les stocks ;

– l’imposition des profits non taxés doit demeurer possible sous le nouveau régime d’imposition.

Pour cela, il doit être procédé au dépôt du bilan d’ouverture qui doit être effectué auprès de l’administration fiscale dans les 60 jours suivant le changement de régime fiscal. De même, il doit être procédé au dépôt de déclaration d’existence à compter de l’évènement qui motive la cessation (art. 202 ter III du CGI).

c. Principes et conditions d’application du mécanisme optionnel d’atténuation de la cessation fiscale en cas de passage d’une société de l’IS à l’IR

(art. 221 bis du CGI)

Comme mentionné ci-dessus, le changement de régime fiscal IS/IR constitue une cessation fiscale d’activité qui doit en principe donner lieu à une imposition immédiate.

Toutefois, en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, il est possible de ne pas appliquer ce principe de cessation fiscale pour les bénéfices suivants : les bénéfices en sursis d’imposition, les plus-values latentes incluses dans l’actif social et les profits latents sur stocks.

Les conditions d’application de ce dispositif sont les suivantes :

– l’absence de création d’une personne morale nouvelle ;

– l’absence de modification des écritures comptables.

L’imposition des profits non taxés doit demeurer possible ultérieurement. Il doit être procédé au dépôt du bilan d’ouverture qui doit être effectué auprès de l’administration fiscale dans les 60 jours suivant le changement de régime fiscal. De même, il doit être procédé au dépôt de déclaration d’existence à compter de l’évènement qui motive la cessation. Il est à noter que les déficits sous l’IS ne peuvent faire l’objet d’aucun report possible.

4. Le cas particulier de l’EIRL

a. EI devant une EIRL à l’IR

L’EI déjà existante et adoptant le statut d’EIRL tout en restant à l’IR ne fait pas l’objet d’une cessation fiscale d’activité (art. 15 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011).

Ainsi, l’affectation au patrimoine de l’EIRL de biens inscrits à l’actif du bilan d’une entreprise individuelle n’est pas constitutive d’une cession de cette entreprise individuelle au profit de l’EIRL. Par conséquent, aucune plus ou moins-value n’est constatée à l’occasion de cette affectation au patrimoine de l’EIRL. Cette solution évite la taxation des plus-values latentes du simple fait de l’adoption du statut de l’EIRL

De ce fait, il n’est pas possible de procéder à la revalorisation des éléments d’actif immobilisé affectés au patrimoine de l’EIRL. Cette solution a aussi pour effet qu’il n’y a pas de taxation des plus-values latentes et des profits sur stocks.

b. EI devant une EIRL à l’IS

A l’opposé, l’’EI existante qui adopte le statut d’EIRL et qui opte pour l’IS fait l’objet d’une cessation fiscale d’activité avec l’application des principes suivants :

– le principe de taxation du résultat de cessation d’activité (art. 201 du CGI)

– la mise en œuvre des mécanismes d’étalement et de report de taxation des plus-values (art. 151 octies du CGI) ;

– l’application de l’exonération des plus-values applicable aux petites entreprises (art. 151 septies du CGI).

(BOI-BIC-CHAMP-70-30)

§ 3. L’imposition au titre de l’IR de sommes réputées distribuées au niveau du chef d’entreprise pour les entités sortant de l’IS

Lors du passage de l’IS à l’IR, les bénéfices non distribués sont taxés comme des dividendes régulièrement distribués. Il en est de même de la répartition de sommes suite à la liquidation de sociétés, notamment le boni de liquidation après le remboursement des apports.

Dans ce cas, le traitement fiscal de ces sommes est le suivant :

– l’application de l’IR selon la flat-tax de 30 % ou le barème progressif après l’abattement de 40 % ;

– le paiement des contributions sociales de 17,2 % sans l’abattement précité en cas d’application du barème progressif, voire le paiement de cotisations sociales, dues en tant que non-salarié, pour la part excédant 10 % du capital social, des primes d’émission et des comptes courant d’associé.