Choix d’un statut juridique, fiscal et social pour la création d’une activité indépendante
(activités commerciales, artisanales et libérales)
EI, AE, EIRL, EURL ou SASU ?
Section 4. Déterminer les différents statuts possibles des conjoints-partenaires ou concubins
Si le conjoint, le partenaire au titre d’un PACS ou le concubin travaille au sein de l’entreprise, il convient de réfléchir au statut juridique et social le plus adapté pour cette personne.
Cette réflexion est désormais obligatoire puisque la loi oblige à choisir entre les 3 statuts possibles qui sont le statut de collaborateur, le statut de salarié et le statut d’associé.
Pour une présentation institutionnelle du sujet :
– V. https://www.secu-independants.fr/cotisations/conjoint/
– https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/statut-du-dirigeant-son-conjoint/statut-du-conjoint/comparatif-statuts-du-conjoint
§ 1. Obligation juridique du choix d’un statut
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME, le conjoint du chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle doit opter pour l’un des 3 statuts suivants : collaborateur, salarié ou associé.
La loi PACTE du 22 mai 2019 a renforcé cette obligation en précisant :
– le chef d’entreprise est tenu de déclarer l’activité professionnelle régulière de son conjoint dans l’entreprise et le statut choisi par ce dernier auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l’objet d’une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel. A défaut de déclaration d’activité professionnelle, le conjoint ayant exercé une activité professionnelle de manière régulière dans l’entreprise est réputé l’avoir fait sous le statut de conjoint salarié. A défaut de déclaration du statut choisi, le chef d’entreprise est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de conjoint salarié (art. L. 121-4 du code de commerce).
Cette disposition renforce la protection du conjoint du chef d’entreprise familiale en rendant obligatoire la déclaration de son activité professionnelle régulière au sein de l’entreprise. Il prévoit que l’exercice ou non par le conjoint du chef d’entreprise d’une activité professionnelle régulière dans l’entreprise et le statut choisi par ce dernier à ce titre constituent des éléments indispensables dans tout dossier de déclaration d’entreprise auprès du centre de formalités des entreprises, de même que le statut choisi par le conjoint en cas de déclaration modificative portant mention que ce dernier exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise.
Ces déclarations doivent être faites auprès du centre de formalités des entreprises compétent.
Ce dispositif est également applicable aux personnes qui sont liées au chef d’entreprise par un PACS (pacte civil de solidarité). En revanche, à ce jour, cette obligation ne concerne pas les personnes en situation de concubinage.
L’absence de mention des concubins ne signifie aucunement que les intéressés peuvent travailler dans l’entreprise de leur compagnon sans statut. Bien au contraire. Cette absence de mention des concubins a surtout pour conséquence que le statut de collaborateur ne peut pas être adopté pour les concubins. Restent les statuts de salarié ou d’associé.
A défaut de choix d’un statut pour les personnes précitées, le chef d’entreprise peut être poursuivi pour délit de travail dissimulé si le conjoint-partenaire travaille régulièrement dans l’entreprise sans statut (Cass. 22/10/2002, n° 02-81859). Il en est de même pour le concubin sans statut.
§ 2. Choix du statut de conjoint collaborateur
A. Principes généraux
Pour relever du statut de conjoint collaborateur, le conjoint-partenaire du chef d’une entreprise commerciale, artisanale ou libérale doit remplir les trois conditions suivantes :
– il doit exercer une activité professionnelle régulière dans l’entreprise,
– il ne doit pas percevoir de rémunération,
– il ne doit pas avoir la qualité d’associé si l’entreprise est sous la forme d’une société.
(art. R. 121-1 s. du code de commerce)
Ce statut est ouvert aux 3 secteurs d’activités selon que l’activité est commerciale, artisanale ou libérale. Ce statut peut être envisagé dans le cadre des entreprises individuelles et de certaines sociétés (sous certaines conditions V. infra).
D’une façon générale, le statut de collaborateur n’est envisageable que dans la mesure où le chef d’entreprise est non-salarié affilié auprès de la SSI. Il en est ainsi des EI-AE et EIRL ainsi que des associés gérants d’EURL-SARL.
B. Statut collaborateur dans le cadre des sociétés
Dans le cadre des sociétés, le statut de conjoint collaborateur n’est autorisé que pour les conjoints-partenaires du gérant associé unique d’EURL ou du gérant associé majoritaire d’une SARL-EURL. Il est à noter que le décret n° 2019-1048 du 11 octobre 2019 pris en application de la loi PACTE du 22 mai 2019 a supprimé l’obligation selon laquelle les sociétés ne doivent pas comprendre plus de 20 salariés. Autrement dit, le statut de collaborateur peut désormais être adopté alors que la société emploie par ailleurs plus de 20 salariés.
En revanche, le statut de collaborateur est exclu si le chef d’entreprise relève du statut salarié. Il en est ainsi si le chef d’entreprise est gérant non majoritaire de SARL ou dirigeant rémunéré ou non rémunéré de SAS-SASU.
En clair, le conjoint ou le partenaire d’un président de SASU (ou de SAS) ne peut pas adopter le statut de collaborateur. Dans cette situation, seul le statut de salarié peut être envisagé, que ce conjoint-partenaire soit associé ou non.
C. Affiliation sociale des conjoints collaborateurs
Le conjoint collaborateur est affilié personnellement au régime d’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions soit artisanales, soit industrielles et commerciales, soit libérales auquel le chef d’entreprise est affilié (art. L. 661-1 du CSS).
A ce titre, le chef d’entreprise est redevable pour son conjoint est de cotisations d’assurance vieillesse (retraite de base et retraite complémentaire, cotisation invalidité-décès, cotisation pour la formation professionnelle).
Les conjoints-partenaires concernés se constituent ainsi un droit personnel à la retraite de base et à la retraite complémentaire servi par le régime non-salarié compétent (RSI pour les commerçants et artisans, caisse de retraite spécifique pour les professions libérales).
En revanche, aucune cotisation n’est due au titre de l’assurance maladie et de la branche famille. Le conjoint ou le partenaire bénéficie toutefois de la couverture d’assurance maladie du conjoint ayant le statut de chef d’entreprise en tant qu’ayant droit.
En qualité d’ayant droit de son conjoint (ou partenaire), le conjoint collaborateur bénéficie des prestations en nature de l’assurance maladie. En revanche, il ne bénéficie pas des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie à la différence du chef d’entreprise (hors professions libérales), sauf à souscrire une assurance privée garantissant ce risque.
Les conjoints-partenaires ayant par ailleurs un emploi salarié à temps partiel ou à temps plein peuvent également relever de ce statut.
Le choix de ce statut s’effectue par une déclaration au CFE (centre de formalités des entreprises) compétent lors de la déclaration de début d’activité ou d’une déclaration modificative.
Le conjoint collaborateur dispose d’un mandat de gestion et a la capacité de réaliser de nombreux actes de gestion nécessaires à la bonne marche de l’entreprise
D. Choix d’une assiette sociale
1/. Collaborateur d’un chef d’entreprise non-auto-entrepreneur
Les cotisations du collaborateur peuvent être calculées, à sa demande, selon 3 formules principales qui s’articulent en 5 variantes différentes :
– le 1er choix consiste en l’application d’une assiette forfaitaire calculée sur la base du tiers du PASS (plafond annuel de la sécurité sociale) (soit un tiers de 41 136 € pour 2021) ;
– le 2ème choix consiste à retenir une assiette des cotisations égale à :
* soit un tiers du revenu du chef d’entreprise sans partage,
* soit la moitié du revenu du chef d’entreprise sans partage,
– le 3ème choix consiste à retenir une assiette des cotisations égale à :
* soit un tiers du revenu du chef d’entreprise avec partage,
* soit la moitié du revenu du chef d’entreprise avec partage.
Le 1er choix (1/3 du PASS) conduit à formuler les observations suivantes :
– il s’agit d’une assiette forfaitaire fixe indépendante de la base de calcul des cotisations du chef d’entreprise ;
– les cotisations dues pour le conjoint sont appelées sur la base d’un 1/3 du PASS quel que soit le revenu du chef d’entreprise ;
– aucune régularisation n’est appliquée dans le cas où le chef d’entreprise a un revenu inférieur au tiers du plafond précité ;
– l’assiette de calcul des cotisations peut être supérieure à l’assiette de calcul des cotisations du chef d’entreprise.
Les précisions concernant le 2ème choix (1/3 ou 1/2 du revenu sans partage) sont les suivantes :
– le chef d’entreprise cotise sur l’intégralité de son revenu professionnel ;
– les cotisations dues pour le conjoint s’appliquent en supplément sur un tiers ou la moitié de l’assiette sociale de l’époux chef d’entreprise.
2/. Collaborateur d’un chef d’entreprise auto-entrepreneur
Depuis le 1er janvier 2016, les cotisations dues pour les conjoints déclarés comme collaborateurs d’auto-entrepreneurs sont calculées à partir du chiffre d’affaires comme pour les auto-entrepreneurs eux-mêmes selon la réforme opérée par la loi du 18 juin 2014 (art. 24 (I-2°) de la loi du 18/6/2014 modifiant l’art. L. 133-6-8-1 du CSS).
L’article 4 du décret n° 2015-1856 du 30 décembre 2015 a précisé les modalités d’application de ce dispositif dans les conditions suivantes :
– les cotisations de sécurité sociale dues par le conjoint collaborateur du travailleur indépendant auto-entrepreneur sont calculées trimestriellement ou mensuellement en appliquant les taux mis en œuvre par l’auto-entrepreneur concerné à une assiette égale à un pourcentage de l’un ou l’autre des deux montants suivants, selon la demande de l’assuré, :
– soit le chiffre d’affaires ou des recettes du travailleur indépendant ;
– soit le rapport entre le revenu forfaitaire mentionné au 1° de l’article D. 633-19-2 et le taux d’abattement correspondant à l’activité exercée en application des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts.
Le pourcentage mentionné au premier alinéa est fixé à 58 % pour les professions artisanales, industrielles et commerciales et à 46 % pour les professions libérales.
Les cotisations de sécurité sociale sont dues par le conjoint collaborateur à compter de la date de son affiliation. Leur première date d’exigibilité est celle de l’échéance mensuelle ou trimestrielle qui suit d’au moins quinze jours la date d’affiliation du conjoint collaborateur (art. D. 613-5 du code de la sécurité sociale).
E. Droit à un salaire différé imputable sur la succession du chef d’entreprise décédé
D’une façon générale, il convient de veiller aux conséquences de l’absence de rémunération du conjoint, notamment pour les époux mariés sous le régime de la séparation de biens puisque dans ce cas l’époux travaille au profit de son conjoint sans rémunération aucune. En toute hypothèse, les conjoints concernés ne sauraient prétendre aux indemnités chômage en raison de l’inapplication du statut de salarié.
A ce titre, le conjoint survivant du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui justifie par tous moyens avoir participé directement et effectivement à l’activité de l’entreprise pendant au moins dix années, sans recevoir de salaire ni être associé aux bénéfices et aux pertes de l’entreprise, bénéficie d’un droit de créance d’un montant égal à trois fois le SMIC annuel en vigueur au jour du décès dans la limite de 25 % de l’actif successoral (art. 14 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989).
Ce droit est garanti sur la généralité des meubles par le privilège inscrit au 4° de l’article 2331 du code civil, sur la généralité des immeubles par le privilège inscrit au 2° de l’article 2375 du code civil et sur les immeubles par une hypothèque légale.
Le cas échéant, le montant des droits propres du conjoint survivant dans les opérations de partage successoral et de liquidation du régime matrimonial est diminué de celui de cette créance. Pour la liquidation des droits de succession, cette créance s’ajoute à la part du conjoint survivant.
§ 3. Les conjoints salariés
A défaut d’option pour le statut de collaborateur, les conjoints (ou partenaires ou concubins) peuvent être salariés. Dans ce cas, les intéressés sont salariés :
– soit du chef d’entreprise individuelle. Il est à noter que la jurisprudence n’exige pas la preuve de l’existence d’un lien de subordination pour les conjoints (Cass. 6/11/2001, n° 99-40756 ; Cass. 24/01/2007, n° 05-44346) ;
– soit de la société. Dans ce cas, les 3 critères classiques du contrat de travail sont exigés avec l’exercice effectif d’une activité, le versement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination.
L’entreprise employeur doit établir un contrat de travail et des fiches de paye mensuelles. Un salaire doit être versé correspondant à la catégorie professionnelle de l’emploi attribué selon la convention collective éventuellement applicable.
L’entreprise doit assurer le paiement de cotisations sociales patronales et salariales calculées sur le salaire attribué au conjoint-partenaire pacsé ou concubin.
Le conjoint salarié bénéficie des mêmes droits que tout salarié qui sont les suivants :
– la perception de prestations au titre de l’assurance maladie avec des prestations en nature et des prestations en espèces, notamment des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, maternité, invalidité, décès ;
– l’octroi d’une retraite de base et d’une retraite complémentaire (ARRCO voire AGIRC si l’emploi relève du statut de cadre) ;
– l’attribution de la PREPARE (ex-PAJE-CLCA prestation accueil jeune enfant, complément libre choix d’activité) partielle ou totale suite à la naissance ou l’adoption d’enfants ;
– la couverture sociale au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
– le droit aux indemnités chômage dans la mesure où l’existence d’un lien de subordination est incontestable ;
– l’application de la réduction dite Fillon avec l’exonération totale ou partielle des charges sociales patronales sur les bas salaires si le salaire est inférieur à 1,6 SMIC.
§ 4. Les conjoints associés
Envisageable uniquement dans les entreprises sous forme de sociétés, le conjoint est socialement :
– soit non-salarié et affilié à ce titre auprès de la SSI ;
– soit salarié et affilié auprès du régime général de la Sécurité sociale.
(V. les développements ci-dessus sur ces statuts tant en termes de cotisations que de prestations).